Ce mercredi 2 juin 2004, les meilleurs élèves en langue provençale du Lycée Carnot étaient récompensés, au Moulin Forville ,par leur professeur Stéphane Lombardo, et les associations régionales, l'Académie Provençale,L'escolo de Lerin, et bien entendu, le Moulin Forville.
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Anne-Marie Avi Cagnon,Présidente de l'Association Moulin Forville, accueillait en effet Jacques Coquelin, Président de l'Académie Provençale de Cannes, Georges Martello, Président de l'Escolo de Lerin, pour récompenser les six meilleurs élèves du Lycée Carnot, sous la houlette de leur professeur Stéphane Lombardo.
D'autres professeurs du lycée Carnot s'étaient joints à la cérémonie,M. Giovanni Zannoni, professeur d'italien des 2°, Mme. Delphine Mattei-Doubre professeur d'économie des TES3, Mme. Inge Penot, professeur d'allemand.
Le lieu de cette remise de prix est à lui seul tout un symbole : le Moulin Forville, ancienne demeure de Victor Tuby, félibre, et créateur de l’Académie Provençale de Cannes. De plus, le Moulin sera prochainement un Musée des Arts et Traditions Provençales, on ne pouvait guère choisir mieux.
D’autres symboles aussi, et importants à noter pour cette toute première remise de prix de provençal, puisque 2004 est l’année Mistral, et l’anniversaire des 150 ans de la création du Félibrige.

Car c’est effectivement la première année que cette remise des prix est organisée à Cannes, et dans la convivialité qui a marqué toute la cérémonie, elle est néanmoins porteuse d’une riche signification : que la jeunesse continue d’apprendre le Provençal, c’est l’espoir que cette langue se transmette aux générations futures, et pour cela, ils méritent bien d’être félicités et encouragés .
Les présidents des Associations concernées ont, avec une émotion évidente, remit les prix, un diplôme à l’effigie de Frédéric Mistral accompagné d’un présent différent pour chaque élève.


Doughmi Myriam, 2°15 Messina Chrystelle, 2°15

Garcia Elodie, 1°L2 Prix remis pour: Gueye Mohamed, TES5

Alexandra Hribersek, TES2 Thomas Bury, TES3
La cérémonie s’est terminée par le chant de l’hymne Provençal, « La Coupo Santo ».
M le Maire de Cannes était représenté par la Conseillère Municipale Mme Rollin-Gérard.

LES LAUREATS
1° )Thomas Bury, TES3
2° )Alexandra Hribersek, TES2
3° )Gueye Mohamed, TES5
4°)Garcia Elodie, 1°L2
5°)Messina Chrystelle, 2°15
6°)Doughmi Myriam, 2°15 |
Jacques Coquelin, dont la musique enchante toujours l'auditoire, au point d'inspirer, quelques pas de danse...

Interview de Stéphane Lombardo
-Un prix de Provençal, décerné par les associations locales, pourquoi une telle initiative ?
Il s'agit d'une discipline en danger malgré son dynamisme ponctuel. Des associations provençalistes, sur le modèle d'un prix décerné par des associations niçoises (Escola de Bellanda etc...) récompensent la démarche de lycéens.
-Quelle est la motivation des jeunes aujourd’hui à apprendre le Provençal ( recherche des racines, vocation à but professionnel… ?), et comment cette langue leur est –elle proposée et présentée ?
La question mérite mille réponses, selon le contexte régional et, le cas échéant, individuel. La motivation première, à mon avis, ce sont les points gagnés au bac. En ce qui me concerne, au lycée, j'essaye au maximum de présenter la langue comme n'importe quelle autre, avec quelques contingences : un horaire plus faible, des méthodes d'apprentissage ludiques et beaucoup de bricolage. Officiellement, ce ne devrait pas être le cas (nous avons les mêmes exigences, programmes, contenus horaires que toutes les langues vivantes), mais honnêtement, nous sommes plus souvent sur le parcours d'obstacle que sur la piste de demi-fond.
-Ce prix récompense des élèves des lycées, serait il intéressant de proposer le provençal plus tôt dans le cursus scolaire, au collège par exemple ?
Très difficile au fonctionnaire que je suis de répondre. Cela devrait être le cas, dès la 6°, voire dès le CP, ou en maternelle. Les textes le prévoient, sous différentes formes, de la sensibilisation au bilinguisme à parité horaire entre la langue régionale et le français. C'est aux autorités de l'éducation nationale dans l'Académie de Nice de répondre à cette question, pas à un simple professeur.
-Mistral est sur le diplôme : tout le monde connaît l’apport capital de son œuvre à la langue et culture provençale, néanmoins, cela ne peut pas signifier que cette culture se limite à Frédéric Mistral. Comment, dans l’enseignement, mettre en valeur l’ensemble de l’héritage Provençal, avant, pendant, et après Mistral ?
Oups ! Alors là, je vous invite à un cours sur l'histoire littéraire des pays d'oc (terminale L, début du 2° trimestre en général), je ne peux pas répondre en quelques lignes. Frédéric Mistral fut au XIX° siècle le principal et le plus prestigieux artisan du mouvement littéraire qu'on appelle la Renaissance provençale (ou d'oc), fondateur de l'école littéraire d'Avignon (Roumanille, Aubanel et d'autres), qui allait devenir l'association célèbre du Felibrige. Son oeuvre (Mirèio, Lis Isclo d'Or, Memòri e raconte) a marqué la littérature européenne de la seconde moitié du XIX° siècle et contribué pour un temps à modéliser le standard littéraire du provençal écrit. Frédéric Mistral fut également l'auteur du Tresor dóu Felibrige , dictionnaire oc-français inégalé jusqu'aujourd'hui dans son ampleur multidialectale. Je cite de mémoire le professeur Robert Lafont, selon qui la Renaissance des lettres d'oc au XIX° aurait bien eu lieu sans Mistral, mais sans éclat. Oui, Mistral, c'est cela, un homme brillantissime qui, en tandem avec Joseph Roumanille, a structuré et orienté la production des lettres d'oc au moins jusqu'en 1914, et dont l'influence est encore extrêmement présente. Je travaille actuellement sur un jeune auteur occitan d'expression provençale, cannois, récemment décédé, dont les romans nous promènent aussi souvent entre les vers de Mistral que dans les rues de Cannes ou de Grasse.
Cependant, on ne peut pas parler d'héritage littéraire spécifiquement provençal ; c'est une littérature d'oc que nous devons transmettre avec la langue : à grands traits, ce sont la grande époque des troubadours (Guillaume d'Aquitaine, Richard Coeur de Lion, Pèire Vidal...), l'âge baroque (Bellaud de la Bellaudière, Pèir de Garros, Goudouli etc...), la pré-renaissance (Jasmin, Rancher...), la renaissance mistralienne (Mistral, Roumanille, Aubanel...), les auteurs dits félibréens (Gras, d'Arbaud...), les grands contemporains (Manciet, Delavouët, Delpastre, Rouquette...) dont il faut faire connaître l'essentiel aux élèves. Dans cet ensemble, les provençaux, je crois, ont surtout dominé le XIX°, mais ils ont leur place à toutes les époques. Je vous ai donné là une découpe faite à la hache et dont, dans les conditions d'enseignement qui sont objectivement les nôtres, je ne peux que donner un mince aperçu. Qui plus est, à mon sens, (et selon les textes officiels) l'apprentissage de la langue comme instrument de communication passe avant la transmission de l'héritage littéraire et culturel.
-Existe t-il une production littéraire contemporaine en langue Provençale ?
Il existe une production littéraire contemporaine en provençal, marquée par des auteurs comme Serge Bec, Max-Philippe Delavouët ou Philippe Gardy en poésie et critique littéraire, Charles Galtier et le niçois Francis Gag en théâtre, en prose on pourra citer Frédéric Vouland (le neveu de Pierre), ou Florian Vernet, maître du roman policier comique marseillais. Notons que certains de ces auteurs se définissent (et définissent leur langue) comme provençaux (ou niçois) et d'autres, d'une manière plus englobante, comme occitans.
Je me rappelle d'un festival du Livre de Mouans-Sartoux où les éditeurs spécialisés dans la diffusion en oc s'accordaient à remarquer que la production et la diffusion se portaient miraculeusement bien compte tenu de la baisse du nombre de locuteurs de l'oc dans l'ensembe de la population. Enfin, c'est surtout auprès de ces éditeurs qu'il faudrait enquêter sur les questions de production, des acheteurs et des lecteurs.
Texte: Isabelle Phillips
Photos : Véronique Wilkin ( sauf :Alexandra Hribersek& Thomas Bury , photos Gérard Molter)
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