L'anniversaire de l'Armistice de 1918 est l'occasion pour chacun d'entre nous de se rappeler du sacrifice de ces jeunes hommes dont certains ont perdu leur vie pour La Patrie durant la guerre 14/18. Il reste aussi dans nos familles le souvenir de ceux qui ont souffert dans les tranchées. Certains, à l'instar de la famille LAURENT-MOUGINS, possèdent dans leurs archives des lettres en provenance du front. En voici une, datant du 21 avril 1915, écrite par un poilu en Haute-Alsace et adressé au Docteur LAURENT, médecin camargais, lui-même tué un peu plus tard dans l'enfer de VERDUN.
Ci-contre, le manuscrit, ci-dessous le texte. "Les Provençaux sur le front".
"Quelle gaîté et quel entrain accompagnent nos soldats de Provence sur le front. Voilà des gars qui, tout en faisant noblement leur devoir de Français, font resplendir au milieu de la bataille les mœurs de leur sol natal, de leur petite Patrie: La belle et Immortelle Provence. Au hasard, parmi bon nombre d’autres, prenons un exemple : Le lundi de Pâques passé par des Provençaux à 300 mètres des tranchées Allemandes. En voilà une mémorable journée. Après avoir pris 24 heures d’avant poste le jour de Pâques, nous voilà en repos toute la journée du Lundi. Après avoir mangé notre soupe, tout en allumant notre inséparable pipe, nous Provençaux et fidèles à nos mœurs réfléchîmes à notre Midi qui en temps de paix voyait s’ouvrir la saison taurine ce Lundi de Pâques. Un regard à mes frères d’armes, et me voilà leur conseillant de faire une course des "biou" (bœufs) et en 10 minutes l’arène fut aménagée. Les noms furent donnés à la moitié de notre groupe Provençal, et l’autre moitié format l’équipe des "rasetaire" (toréador provençal), ayant chacun leurs noms. Un vieux coin de la tranchée tenait lieu de toril, moi gardian de profession avec mon fusil qui me servait de trident. Enfin le premier biou, qui avait nom « la peur » qui n’était autre qu’un vaillant Arlésien (Roche) fit pas mal de "bachoucado" (bousculades) surtout que nous avions invité la bouteille de rhum à la course. Vers le milieu de la course apparaît un camarade du département de l’Aube et qui, sans doute excité par la finesse de ce genre d’amusement, voulu descendre dans l’arène pour essayer de « raseter ». Oh quel homme, pas une minute debout !!! Oh quel fou rire… Voilà un deuxième taureau qui avait nom « le Terrible » et qui venait des Bouches du Rhône. "Pecaire", il n’a pas fait un pli, et il fut emporté dans l’arène en abandonnant son képi. Il n’a dû sa vie qu’à l’arrivée du Gardian (Camps), qui d’un coup de trident (c’était son fusil) fit détourner le taureau. Le copain de l’Aube alla prendre place avec l’autorité, nos officiers se tordaient de rire. Après le dernier taureau, un obus allemand éclata à 100 mètres de nous.
Ce fut la fin de la course, nous reprîmes notre ardeur de guerrier et voilà le moral des provençaux, qui sont en même temps héroïques guerriers et jovials.
Fait sur le front de Haute-Alsace.
Un provençal qui jouait le rôle de gardian".
Paul Camps.

Paul Camps le docteur Jules Laurent
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